Alors que la guerre dans la bande de Gaza se poursuit depuis plus d’un an, un nouveau sondage mené par l’institut aChord, affilié à l’Université hébraïque de Jérusalem et spécialisé en psychologie sociale, révèle un résultat choquant : 76 % des Israéliens juifs estiment qu’« il n’y a pas d’innocents à Gaza ». Ce chiffre n’est pas une simple statistique, mais reflète une transformation dangereuse de la conscience collective israélienne, susceptible de justifier, ou du moins de ne pas s’opposer, à la poursuite des violences contre les civils palestiniens.
1. Le sondage : des chiffres alarmants et des résultats inquiétants
Le sondage, réalisé par l’Institut de politique et de stratégie de l’Université hébraïque, révèle les données suivantes :
- 42 % des Israéliens juifs sont totalement d’accord avec l’affirmation « il n’y a pas d’innocents à Gaza ».
- 34 % sont partiellement d’accord avec cette même affirmation.
- Total : 76 % de la population juive israélienne croit, à des degrés divers, que Gaza est dépourvue d’innocents.
Ces chiffres ne reflètent pas seulement des opinions individuelles, mais une tendance sociale croissante, où la violence contre les civils palestiniens est justifiée au nom de la « responsabilité collective » ou de la « lutte contre le terrorisme ».
Interprétation du chercheur Ron Gerlitz :
- Il qualifie ces résultats de « préoccupants » et de « parmi les plus difficiles » obtenus depuis le début de la guerre.
- Il souligne que cette mentalité constitue un « terreau toxique » dans lequel prospèrent « des pratiques menant à la mort d’innocents ».
- Bien que l’adhésion à l’idée « il n’y a pas d’innocents » ne signifie pas nécessairement « il faut tous les tuer », elle crée un climat moral permettant de justifier la violence sans remords.
2. Comment en est-on arrivé là ? Les causes de cette dégradation morale
Ces résultats ne peuvent être compris sans tenir compte du contexte historique et politique :
- L’éducation et l’histoire : Depuis la fondation d’Israël, le récit sioniste enseigné dans les écoles renforce l’idée d’un « ennemi éternel » palestinien, présentant Gaza comme un « repaire du terrorisme ».
- La couverture médiatique : Les médias israéliens se concentrent souvent sur « la menace sécuritaire » sans montrer la souffrance humaine à Gaza, renforçant l’image d’un « ennemi déshumanisé ».
- La politique officielle : Les déclarations de responsables israéliens, comme « Gaza est une ville terroriste » ou « tous sont responsables », contribuent à normaliser l’idée d’une « culpabilité collective ».
- Le traumatisme collectif : Après les attaques du 7 octobre, les sentiments de vengeance se sont intensifiés, alimentant la haine et justifiant une violence indiscriminée.
3. Les conséquences de cette mentalité : de l’éthique aux pratiques
Ce sondage n’est pas qu’un indicateur d’opinions, il a des répercussions concrètes :
- La justification des massacres : Lorsque la majorité de la société croit qu’« il n’y a pas d’innocents », il devient plus facile de justifier le bombardement d’hôpitaux, d’écoles et de mosquées.
- L’affaiblissement de la pression morale : Si la société ne perçoit pas les Palestiniens comme des « innocents », la pression populaire sur le gouvernement pour éviter les morts civiles diminue.
- L’érosion des valeurs humanistes : L’idée de « culpabilité collective » contredit les principes fondamentaux des droits de l’homme et du droit international, qui présument l’innocence des civils jusqu’à preuve du contraire.
Exemples concrets :
- Le bombardement du quartier de Cheikh Radwan à Gaza (2023), où des dizaines de familles ont été tuées sous prétexte de « combattre le Hamas ».
- L’utilisation de « boucliers humains » comme justification pour tuer des civils, bien que le droit international l’interdise explicitement.
4. Réactions : entre choc et justification
- Les critiques israéliens : Certains intellectuels israéliens, comme Amos Oz (écrivain) ou Amiram Goldblum (professeur), ont averti que cette mentalité « détruit l’avenir moral d’Israël ».
- La communauté internationale : L’ONU et les organisations de défense des droits de l’homme ont qualifié cette mentalité de « pas vers un génocide », où la « déshumanisation » des populations civiles est en cours.
- Les justifications : Certains politiciens israéliens défendent cette vision sous le slogan « la guerre est nécessaire », ignorant que le droit international interdit de cibler les civils, même en temps de guerre.
5. Conclusion : où mène cette voie ?
Le sondage d’aChord n’est pas un simple chiffre, mais un avertissement moral. Lorsque la majorité d’une société croit qu’« il n’y a pas d’innocents » dans un conflit, cela implique :
✅ Une justification accrue de la violence sans limites.
✅ Une érosion des valeurs humanistes sur lesquelles se fondent les civilisations.
✅ Un risque d’escalade du conflit plutôt que la recherche de solutions politiques.
La question cruciale : Si 76 % des Israéliens pensent que Gaza est dépourvue d’innocents, qu’est-ce qui les empêche de soutenir un « génocide » sous couvert de « sécurité » ?
Questions pour le débat :
- Comment reconstruire la confiance entre Israéliens et Palestiniens face à de telles mentalités ?
- Quel rôle l’éducation et les médias peuvent-ils jouer pour changer cette perception ?
- Existe-t-il des exemples historiques de sociétés ayant réussi à se débarrasser de « la mentalité de l’ennemi éternel » ?
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