Lorsque, en décembre 2023, un obus israélien a frappé le plus grand centre de fertilité de la bande de Gaza, l’explosion a fait sauter les couvercles de cinq réservoirs contenant de l’azote liquide dans un coin de l’unité des embryons.

Lorsque le liquide extrêmement froid s’est évaporé, la température à l’intérieur des réservoirs a augmenté, détruisant ainsi plus de 4 000 embryons de fécondation in vitro, ainsi que 1 000 autres échantillons de sperme et d’ovules non fécondés, également stockés au Centre de fertilité et de fécondation in vitro Al-Basma.

L’impact de cette seule explosion a été immense, illustrant les pertes invisibles de l’agression israélienne continue depuis plus de quatorze mois sur la bande de Gaza, qui abrite environ 2,3 millions de personnes.

Les embryons dans ces réservoirs représentaient le dernier espoir de centaines de couples palestiniens confrontés à des problèmes de fertilité.

Le Dr Bahaa El-Din Al-Ghalayini, 73 ans, consultant en obstétrique et gynécologie, formé à Cambridge et fondateur du Centre Al-Basma en 1997, a déclaré : « Nous savons de tout notre être ce que ces 5 000 vies, ou vies potentielles, signifiaient pour les parents… dans le futur et dans le passé. »

Il a ajouté qu’au moins la moitié des couples n’auront pas d’autre chance d’avoir des enfants, car ils ne sont plus capables de produire des spermatozoïdes ou des ovules viables.

Il a dit en décrivant son sentiment face à ce qui s’est passé : « Mon cœur est brisé en un million de morceaux. »

Pour Saba Jaafarawi, suivre un traitement de fertilité pendant trois ans a été un voyage psychologique difficile. Le processus d’extraction des ovules de ses ovaires était douloureux et les injections d’hormones avaient de forts effets secondaires, rendant l’échec de deux tentatives de grossesse insupportable.

Saba (32 ans) et son mari n’ont pas pu concevoir naturellement, ce qui les a poussés à recourir à la fécondation in vitro, largement disponible dans la bande de Gaza.

Les données du Bureau central palestinien des statistiques montrent que les familles nombreuses sont courantes dans le secteur, avec près de la moitié de la population âgée de moins de 18 ans et un taux de fertilité élevé de 3,38 naissances par femme. Le taux de fertilité en Grande-Bretagne est de 1,63 naissance par femme.

Al-Ghalayini dit que malgré la pauvreté dans le secteur, les couples ayant des problèmes de fertilité se tournent vers la fécondation in vitro, et pour ce rêve, ils vendent des appareils ménagers comme la télévision ou des bijoux pour payer ce service médical.

En septembre, Saba est tombée enceinte après sa première tentative réussie de fécondation in vitro.

Elle a déclaré : « Le 7 octobre a commencé… Je n’ai pas eu le temps de me réjouir de la nouvelle. »

Saba a ressenti de l’anxiété et s’est interrogée sur l’avenir de sa grossesse et de son fœtus. Elle n’a jamais passé d’échographie, car Al-Ghalayini a fermé sa clinique où étaient stockés cinq autres embryons de Saba.

Avec l’intensification des attaques israéliennes, Mohammed Ajour, le principal embryologiste du centre, a commencé à s’inquiéter des niveaux d’azote liquide dans les cinq réservoirs d’embryons. Les réservoirs doivent être remplis d’azote environ chaque mois pour maintenir la température en dessous de -180 degrés Celsius dans chaque réservoir, qui fonctionne sans électricité.

Après le début de la guerre, Ajour a réussi à acheter une seule livraison d’azote liquide, mais Israël a coupé l’électricité et le carburant de Gaza et la plupart des fournisseurs ont cessé de fonctionner.

Les chars israéliens ont pénétré dans Gaza fin octobre et les soldats ont bloqué les rues autour du centre de fécondation in vitro, rendant l’accès aux réservoirs extrêmement dangereux pour Ajour.

Saba a réalisé qu’elle devait se reposer pour préserver son fragile état de grossesse, mais les dangers étaient omniprésents. Elle a monté six étages pour atteindre son appartement parce que l’ascenseur était en panne. Une bombe a rasé le bâtiment voisin, brisant les fenêtres de son appartement, et la nourriture et l’eau étaient devenues rares.

Au lieu de se reposer, Saba était submergée par l’anxiété et la peur, et elle a remarqué des signes indiquant qu’elle pourrait perdre sa grossesse. Elle a saigné un peu après que son mari et elle ont quitté leur maison et ont déménagé vers le sud à Khan Younis. Le saignement a cessé, mais sa peur persiste.

5 000 vies ont été perdues en un seul obus

Ils ont traversé en Égypte le 12 novembre, et au Caire, la première échographie a montré qu’elle était enceinte de jumeaux et qu’ils étaient en vie.

Mais quelques jours plus tard, Saba Jaafarawi a ressenti des contractions douloureuses, puis des saignements et un changement soudain dans son ventre. Elle est arrivée à l’hôpital, mais la fausse couche avait déjà commencé.

Elle a déclaré : « Jusqu’à présent, j’entends encore mes cris à l’hôpital et mes pleurs résonnent encore dans mes oreilles. »

Elle a ajouté : « Peu importe combien vous imaginez ou combien je vous dis que le parcours de la FIV (fécondation in vitro) est difficile. Personne ne peut comprendre ce voyage à moins de l’avoir vécu. »

Saba voulait retourner dans la zone de guerre pour récupérer ses embryons congelés et tenter à nouveau la fécondation in vitro, mais il était trop tard.

Al-Ghalayini a déclaré qu’un seul obus israélien avait frappé un coin du centre et détruit le laboratoire des embryons au rez-de-chaussée. On ne sait pas si l’attaque visait délibérément le laboratoire ou non.

Il a ajouté : « Toutes ces vies ont été tuées ou perdues. 5 000 vies en un seul obus. »

Selon un journaliste mandaté par Reuters qui a visité le site, le laboratoire des embryons en avril 2024 était encore rempli de débris et de matériel de laboratoire détruit. Les réservoirs d’azote liquide étaient visibles parmi les décombres.

Les couvercles étaient ouverts, et au fond de l’un des réservoirs, un panier rempli de petites pailles colorées selon leur code contenait les embryons détruits.

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